NOUVELLES NATURELLES DU BIZARDIN « Joli Mai – La biodiversité au Bizardin » (mai 2009)

Un matin de mai, tu longes la clôture verte du jardin… la lumière est douce encore, la grille fait clac quand tu entres…

Tu foules le trèfle qui caresse tes chevilles, tu t’engages dans la végétation haute, exubérante, tu es dans un autre monde, la ville est là tout près , mais tu l’oublies ; un papillon bleu céleste, le bien nommé « azuré » ou « adonis bleu » se pose sur la minette jaune, les graminées se balancent au vent, des églantiers s’enchevêtrent dans les aubépines, la belle nigelle vagabonde est éclose, le saule grimpe au ciel, tu sais que des milliers de petites bêtes sont là…

Tu espères que le hérisson est bien caché dans la haie qui devient très touffue, tu surprends des bourdons partout, sur la grande sauge officinale violette, sur les scabieuses en pleine floraison, sur le merveilleux rosier gallique pourpre aux étamines dorées et au parfum indicible, et même dans un nichoir ; la grande cardère, ou « cabaret des oiseaux », adorée du chardonneret pour ses graines, n’en finit pas de grandir, tiens, elle rejoue comme chaque année la sentinelle du jardin !

Le chant enroué, ô combien harmonieux à ton oreille, de l’invisible grenouille verte t’accompagne, tu découvres la prolifération au bord de la mare du lychnis fleur de coucou, fine fleur rose, du bel iris jaune, de la reine des prés, de la grenouillette, jolie plante aux feuilles rondes posées sur l’eau ; tu crains l’invasion de la massette, mais tu te consoles en découvrant l’exuvie d’une libellule agrippée à sa feuille, en train de s’extirper très lentement de sa dernière enveloppe – dernière métamorphose avant l’envol…

Tu te désoles de trop d’orties, de ronces, de chardons, mais tu sais que ce dernier, le cirse des champs, fournira du nectar à la gent ailée, aux abeilles, à la chrysope verte, dévoreuse de pucerons, et à d’autres ; tu te souviens que la ronce donne des mûres et qu’elle aussi est aimée des insectes, du grand paon de nuit entre autres, menacé de disparition, que l’ortie se mange comme des épinards, qu’elle te fournira un excellent engrais, le fameux purin d’ortie, qu’elle activera le compost et qu’elle est la plante-hôte des chenilles du vulcain, de la belle-dame, du paon du jour… ces beaux et précieux papillons, zélés agents pollinisateurs sans qui la terre serait si triste…

Tu te perds dans le labyrinthe ombreux, le grand rosier part à l’assaut de la clôture, le tremble agite ses jeunes feuilles, le genêt d’Espagne illumine de son jaune d’or le bout du jardin…ça bourdonne, ça grésille, ça murmure, ça chante doucement…di di du, di di du, te dit la mésange…ça gazouille, des bébés chardonnerets jouent à cache-cache dans les bouleaux…tu sens que ce petit bout de monde, où ses hôtes peuvent vivre en paix, dans cette merveilleuse entente du vivant, où chacun, si petit soit-il, joue son rôle, est un miracle fragile au milieu de la grande ville, et tu te fais discrète dans cet éden, pour ne pas déranger…

Christiane Vernay – mai 2009